jeudi 29 octobre 2009

Sens

On m’avait parlé d’elle. Je ne sais plus qui. Ni quand. Ni pourquoi. Il – ou elle ? – m’avait dit que je devais la rencontrer, qu’elle dégageait un tel bonheur et une telle sensualité, que nous ne pourrions que vivre une découverte mutuelle mélodieuse. On m’avait glissé son numéro de téléphone. Et je n’y avais plus pensé.

Ce numéro avait traîné sur mon bureau pendant plusieurs semaines. De toute façon, je déteste téléphoner. En mettant un peu d’ordre dans mon fatras de documents, je retrouvai ce bout de papier. Pour la première fois, il m’intrigua.

Je lui envoyai un SMS : « Êtes-vous là ? ». Elle répondit, rapidement : « Je suis là. Je vous attends. »

Qui pouvait-elle être ? Où pouvait-elle être ? Pourquoi m’attendrait-elle ? Je n’avais aucune réponse. Mais ce jour-là, j’humai mon téléphone portable pour essayer de saisir son parfum. Je crus bien le respirer. Il était exquis et ancré désormais dans ma mémoire.

Il ne se passa rien. Un jour, attendant un improbable avion dans un aéroport sordide – comme tous les aéroports – je parcourais mes messages pour les effacer quasi tous. Je tombai sur le sien, au parfum envoûtant.

Je lui écris : « Êtes-vous toujours là ? ». Elle répondit : « Je vous attends. Ne traînez pas ! ».

Je partais pour une mission de deux semaines. Je ne pouvais que traîner. Mais je caressai mon portable du bout des doigts et jamais il ne m’avait semblé aussi doux, aussi chaud, aussi sensuel. C’était sa peau que je caressais. Avais-je déjà caressé une peau plus sensuelle ? Je savais qu’il me fallait encore et encore me laisser envoûter de cette peau inoubliable.

Dès que mon avion de retour atterrit, je lui téléphonai. Je lui dis :
— C’est moi !
— Je sais. Viens.
— Où ça ?
— Tu le sais…

Je le savais. Effectivement. Entendre sa voix m’avait bouleversé. Elle était d’une telle chaleur et d’une telle densité. Je connaissais son parfum et sa peau. Sa voix leur donnait une force inouïe. Je devais la voir.

Je me suis rendu là où elle était. Il y faisait sombre, mais son parfum embaumait les lieux dès que j’y entrai. Je vis la lumière et m’en approchai. Ce que mes yeux découvrirent était d’une telle volupté que j’en frémis au plus profond de moi. Son corps nu, aux courbes profondes, était là, offert, m’attendant, simplement.

Je m’approchai et m’agenouillai auprès d’elle pour mieux la regarder. Elle était sublime. Oserais-je la toucher ? Je sus alors que je devais l’embrasser pour la goûter pleinement. Mes lèvres se posèrent là où elles le pouvaient, là où elle s’offrait. Instantanément, ce fut un miracle.

« Il y a très peu de choses que nous puissions connaître par les cinq sens à la fois. » [Georg Christoph Lichtenberg]. En réalité, il n’y en a qu’une. Ce n’est d’ailleurs pas une chose. C’est la femme. Je l’ai connue.

5 commentaires:

  1. Les rencontres sont toutes différentes, il y celles qui ne nous laissent aucun souvenir, celles pour lesquelles on se dit qu'on aurait mieux fait de faire autre chose.
    Il y a les rencontres sans émotions et celle qui laissent un goût amer.
    Et puis parfois on rencontre des êtres uniques (ok on pourra me dire que chacun est unique mais je sais bien la dimension que je donne à ce mot)
    Je parle de ceux dont un regard suffira à nous faire perdre toute valeur acquise, nous faire perdre les pédales, nous faire tomber le masque...
    Un élan d'Amour (oui avec un grand A) qui peut surgir comme ça, quand on s'y attend le moins et tout devient merveilleux.
    Ces rencontres sont rares, des mots d'Amour qui restent à la lisière de nos lèvres, mais qui passent par nos yeux.
    C'est trop beau, ce sont des rencontres qui nous marquent au fer, que nous soyons seuls ou pas, elles meritent d'être vécues, je rêve de ces moments, je ne les provoque pas; simplement je laisse la vie me faire ses surprises...
    Je suis en vie

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  2. Comme dit miss Anis, l'inatendu !
    Celui pour lequel rien ne pressait, qu'on attendait patiemment mais, allez savoir pourquoi, celui qui chamboulera tout ou, restera là, gravé en nous !
    La vie est une Femme, elle seule peut se reveler, nous faire vibrer là où on ne l'attend pas !

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  3. Très beau texte, d'une intensité émotionnelle, d'une sensualité époustouflante... Mais que puis-je ajouter d'autre...Miss Anis et Chilina sont passées avant moi et leur dire, leur analyse si juste et profonde me clouent le bec... Oserai-je le dire, pour une fois, j'en suis heureux!
    Je comprends mieux la richesse de vos écrits, et la pauvreté des miens... Sensibilité, sensualité, tendresse et respect... Que de mots clefs, pour enfin Aimer...

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  4. @ Miss Anis
    Bienvenue sous ma lampe !
    Vous avez raison : c'est grâce à ces rencontres que nous sommes "en-vie" !

    @ Chilina
    Vous avez aussi raison (bien sûr !) : cette "en-vie" est Femme ! Quelle merveille !

    @ Michel
    Merci d'apprécier ce texte où j'ai essayé en effet de conjuguer sensibilité, sensualité, tendresse et respect… pour Aimer ! Vous y avez droit aussi ! Suffit d'y croire (enfin, faut commencer par ça…) !

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  5. Que ce texte est doux et fort à la fois... Que dire d'autre que d'espérer être cette femme, pour quelqu'un...

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